JAN LAVEZZARI, peintrepar G. DILLY , Conservateur du Musée de Berck.Le nom d’Emile Lavezzari aurait très certainement été associé par tous à celui de Berck si un rejeton talentueux n’était venu éclipser par son oeuvre les réalisations paternelles. En effet, Emile Lavezzari contribuera, en tant qu’architecte, au développement de Berck-Plage. On lui doit entre autres, le bâtiment qui arbitre l’actuel musée et surtout l’actuel hôpital maritime inauguré en 1869. Il fait à l’époque partie de l’entourage de la famille de Rotschild et se trouve naturellement impliqué dans l’urbanisation de leur lieu de villégiature préféré. Outre ses qualités professionnelles, Emile Lavezzari fait preuve d’une réelle assurance pour la peinture qu’il pratique tout en fréquentant les artistes, nombreux dans la mouvance des Rotschild, et en particulier Francis Tattegrain. De cet environnement, le troisième fils d’Emile devait tirer le meilleur parti. Né le 3 janvier 1876, à Paris, Jan Lavezzari partageait avec ses frères une réelle aptitude à maîtriser les chiffres et entrait sans problème à l’école Central. Pourtant, son goût pour la peinture et les affectueux conseils de Francis Tattegrain l’enlevèrent à la carrière d’ingénieur ou d’architecte ; définitivement installé à Berck en 1900, Jan serait peintre. Sociétaire du salon des Artistes Français à partir de 1909, Jan Lavezzari conservera toute sa vie le dynamisme, l’éclectisme dans les aspirations propres à une forte personnalité. Sa sensibilité artistique se développe plus en pleine air qu’en atelier, elle s’accommode mieux d’expérience que de contemplation. Dans ses marines Jan Lavezzari ne saurait se contenter de la vision « aseptisée » d’un peintre du genre : il s’embarque, partage la vie des marins jusqu’à être lui même inscrit maritime et transpose sur ses toiles les manoeuvres auxquelles il a participé. Le souci d’exactitude témoigne dans la scène de pêche appartenant au Lycée de Berck est à ces égards parfaitement significatif : le choix du grément, peu spectaculaire, correspondant parfaitement à la situation ( cueillage des cordes). Cette curiosité permanente, jointe sans doute à sa formation initiale d’ingénieur, l’amène à expérimenter parmi les premiers un domaine sportif nouveau. Le15 février 1904, du haut des dunes qui entourent le phare, Jan LAVEZZARI teste l’ancêtre du deltaplane. Il participera la même année aux essais de Terminus et son nom est généralement injustement oublié parmi les pionniers de la conquête de l’air. On a souvent voulu de même ne connaître de son activité artistique que ce qu’il s’y trouvait de berckois ce qui rejette dans l’ombre, entr’autres, toutes les aquarelles réalisées dans le Sud, en Suisse, en Normandie et qui comptent parmi ses oeuvres les plus délicates. De même, Jan LAVEZZARI n’est trop souvent signalé que pour ses marines et ses dunes : ses paysages du Cal de Canche et des villages des berges de l’Authie sont parmi les meilleurs. Si pourtant à son propos, on en revient inévitablement à Berck et aux marines, c’est qu’il y consacra le plus grand nombre de ses peintres – traitant d’ailleurs souvent le même thème à de nombreux exemplaires. Il est en outre tentant de rappeler que, d’une certaine manière, il faut en tant que peintre la » mémoire » de Berck en traitant de façon exhaustive des sujets abordés seulement de façon anecdotique par les autres artistes » berckois « . De ce côté l’album » Berck d’autrefois » édité par la ville de Berck est l’exemple le plus significatif : Jan Lavezzari utilise des photographies et très certainement des dessins exécutés par son père pour transmettre des images qu’il n’a pas toujours personnellement pu voir. Dans le même esprit, il réalise la décoration de l’hôtel de Ville de 1909 à partir de scènes qui perpétuent le souvenir du Berck des années 1850. De ce fait, certains détails de la vie locale ne nous sont connus que par lui, telle la présence à Berck de catalogues (anciens bateaux tranformés en abris ou habitations). On retrouve ces vertues d’historiographe dans » l’incendie de l’hôtel de la plage » (1909) ou dans les tableaux consacrés aux naufrages des trois mâts Orion en (1906). Outre son caractère narratif, le décor de l’hôtel de ville récemment classé par la Commission Départementale de Monument Historique est caractéristique des grands ensembles picturaux réalisés par LAVEZZARI à Berck, Etaples ou au Touquet ( par exemple le » Café de Paris « , rue de Paris), presque toujours disparus au gré des changements de propriétaire et de modernisation. Ces grandes compositions donnent la mesure d’une grande facilité dans l’exécution que le peintre n’a pas toujours su ou voulu maîtriser. Compte tenu de l’extrême dispersion de ses oeuvres, il semble que les marines et paysages dunaires de moyen format soient celles qui donnent du talent de Jan LAVEZZARI le reflet le plus juste. Pour des raisons évoquées auparavant, ses marines » au large » ont une exactitude documentaire inégalée ; elles ont également l’austère lyrisme des mers grises et agitées aux éclairages métallescents que LAVEZZARI a su traduire mieux que tout autre. Dans le choix des lumières, LAVEZZARI s’est également distingué par ses nocturnes – rejoignant dans ce domaine et avec un style très différent Georges Maroniez – et par les effets de brume où il excelle à créer une atmosphère qui confirme à l’irréel, au fantastique. Quoique diminué durant ses quinze dernières années par un grave accident automobile, Jan LAVEZZARI ne cessa pas de peindre, jusqu’à sa disparition le 11 mai 1947. Remarquablement intégré au milieu qui nourrit son oeuvre, il demeure le » peintre berckois » par excellence. |